TourMaG.com - Vous avez gardé le silence depuis la crise qui a entraîné la fin d’Aigle Azur à la rentrée 2019. Qu’avez-vous fait depuis et pourquoi vouloir reprendre la parole ?
Frantz Yvelin : J’ai gardé le silence par respect pour les passagers restés bloqués, pour nos anciens fournisseurs, et aussi pour les salariés qui ont perdu leur emploi.
Il aurait été très déplacé de s’exprimer plus tôt. Honnêtement, je voulais prendre un peu de recul. J’en ai profité pour passer une qualif de commandant de bord sur A320 et j’en suis très fier. Apprendre est un très bon moyen d’oublier le reste.
TourMaG.com - Rentrons dans le vif du sujet. Fin août 2019, Gérard Houa, l’un des actionnaires d’Aigle Azur, est à l’origine du fameux « putsch » à la tête de la compagnie. Plus tard, il tentera de racheter la compagnie alors placée en liquidation judiciaire. Vous avez choisi récemment de l’attaquer en justice. Ou en est le procès ? Maintenant que la compagnie n’existe plus, pourquoi ce bras de fer ?
Frantz Yvelin : Ce qu’il a fait est absolument scandaleux et incroyablement illégal. Il faut souligner le caractère inédit en France de la chose. On parle d’un putsch sur une société aussi importante qu’Aigle Azur ! Il n’y a pas de précédent.
Vous imaginez un putsch à la tête de PSA ou de Thales ? C’est un peu comme si vous achetiez 3 actions ADP et que vous débarquiez pour virer Augustin de Romanet de la présidence !
Dans un premier temps, Aigle Azur a porté plainte au pénal le 27 août dernier contre M Houa, Bohn et la société Lu Azur. L’instruction se poursuit à Créteil.
La deuxième affaire est plus personnelle : j’ai engagé une procédure contre les trois pour préjudice moral et atteinte à mon image. C’est une question de principe pour laver mon honneur. Une première audience aura lieu dans quelques semaines.
Frantz Yvelin : J’ai gardé le silence par respect pour les passagers restés bloqués, pour nos anciens fournisseurs, et aussi pour les salariés qui ont perdu leur emploi.
Il aurait été très déplacé de s’exprimer plus tôt. Honnêtement, je voulais prendre un peu de recul. J’en ai profité pour passer une qualif de commandant de bord sur A320 et j’en suis très fier. Apprendre est un très bon moyen d’oublier le reste.
TourMaG.com - Rentrons dans le vif du sujet. Fin août 2019, Gérard Houa, l’un des actionnaires d’Aigle Azur, est à l’origine du fameux « putsch » à la tête de la compagnie. Plus tard, il tentera de racheter la compagnie alors placée en liquidation judiciaire. Vous avez choisi récemment de l’attaquer en justice. Ou en est le procès ? Maintenant que la compagnie n’existe plus, pourquoi ce bras de fer ?
Frantz Yvelin : Ce qu’il a fait est absolument scandaleux et incroyablement illégal. Il faut souligner le caractère inédit en France de la chose. On parle d’un putsch sur une société aussi importante qu’Aigle Azur ! Il n’y a pas de précédent.
Vous imaginez un putsch à la tête de PSA ou de Thales ? C’est un peu comme si vous achetiez 3 actions ADP et que vous débarquiez pour virer Augustin de Romanet de la présidence !
Dans un premier temps, Aigle Azur a porté plainte au pénal le 27 août dernier contre M Houa, Bohn et la société Lu Azur. L’instruction se poursuit à Créteil.
La deuxième affaire est plus personnelle : j’ai engagé une procédure contre les trois pour préjudice moral et atteinte à mon image. C’est une question de principe pour laver mon honneur. Une première audience aura lieu dans quelques semaines.
Vueling pouvait résoudre toute l'équation
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TourMaG.com - L’un des déclencheurs de la fin d’Aigle Azur : l’offre d’investissement de Vueling et du groupe IAG, qui devait permettre de sauver la compagnie à l’été 2019. Était-elle viable ? Pourquoi n’a-t-elle pas abouti ?
Frantz Yvelin : Ma première volonté était de déposer le bilan en avril 2019. David Neeleman (actionnaire brésilien d’Aigle Azur, ndlr) m’a convaincu de continuer.
Nous avons placé la compagnie sous procédure pour geler les créances et trouver des solutions de manière confidentielle. J’allais toutes les semaines en réunion à Bercy, qui nous a aidés, soutenus, accompagnés.
Cela fonctionnait si bien que Vueling est intéressé et signe une lettre d’intention. Nous faisons tellement bien notre boulot qu’ils nous proposent de reprendre 50% de l’activité d'Aigle Azur pour 27 millions d’euros. Cela résoudrait toute l’équation.
Contrairement à certains de nos confrères, nous avons donc une solution. Nous la proposons à nos syndicats le 5 août 2019. Jamais je n’aurai imaginé ce coup là venir mais certains représentants du personnel, influencés par M Houa, votent la seule chose qu’il ne fallait pas voter : la suspension pendant 60 jours. Nous n’avions pas le cash pour cela. La mort était alors inévitable.
TourMaG.com - Vraiment ?
Frantz Yvelin : Oui, si le CE le 5 août avait dit oui ou non, sans bloquer le process, Aigle Azur aurait été sauvée, c’est clair et net. J’ai fait tout ce que j’ai pu et, le 5 août au soir, c’est au-dessus de mes forces, je m’en vais. Je ne me suis jamais battu contre mes salariés, quels qu’ils soient.
J’accepte finalement de rester un peu plus, jusqu’au fameux putsch. Gérard Houa n'est en rien responsable des difficultés antérieures à 2019 d'Aigle Azur. J'ai quand même le sentiment que le putsch a achevé l'entreprise, mais il appartiendra évidemment à la justice et à la postérité d'en juger !
Frantz Yvelin : Ma première volonté était de déposer le bilan en avril 2019. David Neeleman (actionnaire brésilien d’Aigle Azur, ndlr) m’a convaincu de continuer.
Nous avons placé la compagnie sous procédure pour geler les créances et trouver des solutions de manière confidentielle. J’allais toutes les semaines en réunion à Bercy, qui nous a aidés, soutenus, accompagnés.
Cela fonctionnait si bien que Vueling est intéressé et signe une lettre d’intention. Nous faisons tellement bien notre boulot qu’ils nous proposent de reprendre 50% de l’activité d'Aigle Azur pour 27 millions d’euros. Cela résoudrait toute l’équation.
Contrairement à certains de nos confrères, nous avons donc une solution. Nous la proposons à nos syndicats le 5 août 2019. Jamais je n’aurai imaginé ce coup là venir mais certains représentants du personnel, influencés par M Houa, votent la seule chose qu’il ne fallait pas voter : la suspension pendant 60 jours. Nous n’avions pas le cash pour cela. La mort était alors inévitable.
TourMaG.com - Vraiment ?
Frantz Yvelin : Oui, si le CE le 5 août avait dit oui ou non, sans bloquer le process, Aigle Azur aurait été sauvée, c’est clair et net. J’ai fait tout ce que j’ai pu et, le 5 août au soir, c’est au-dessus de mes forces, je m’en vais. Je ne me suis jamais battu contre mes salariés, quels qu’ils soient.
J’accepte finalement de rester un peu plus, jusqu’au fameux putsch. Gérard Houa n'est en rien responsable des difficultés antérieures à 2019 d'Aigle Azur. J'ai quand même le sentiment que le putsch a achevé l'entreprise, mais il appartiendra évidemment à la justice et à la postérité d'en juger !
TourMaG.com - Revenons en arrière. Le changement d’actionnariat de la compagnie, les choix du Brésil et de la Chine… Tout ça était-il vraiment nécessaire pour une compagnie stable et spécialiste depuis des décennies d’un seul marché ?
Frantz Yvelin : Cette question est arrivée très simplement car il fallait absolument absorber les coûts fixes, l’Algérie ne suffisait plus à faire survivre Aigle Azur.
Deux solutions dans ce cas : soit faire un plan social qui nous aurait tué, soit faire de la croissance. En Europe, ce n’était pas possible car nos coûts n’avaient rien à voir avec la compétition, à savoir les low cost. Il fallait donc trouver autre chose : des niches ! Aucun risque n’a été pris.
TourMaG.com - Justement, parlons de votre lancement sur le long-courrier. Beaucoup remettent en cause ce choix stratégique qui aurait précipité votre perte...
Frantz Yvelin : C’est faux. Sans le long-courrier, nous n’aurions pas eu de cash. Le long-courrier a sauvé la compagnie, sinon nous serions morts en 2018.
Pourquoi le Brésil, pourquoi la Chine donc ? Il s’agit de deux énormes marchés avec des partenaires en or. Sur le Brésil, Azul payait 80% de nos sièges en avance, nous avions accès en code-share à tout le pays.
Cela a été un succès commercial et un générateur de cash du premier au dernier jour. Heureusement que nous l’avons fait.
Sur la Chine, notre actionnaire chinois nous a poussé à ouvrir Pékin, alors que notre plan était de choisir Hong-Kong, un marché beaucoup plus équilibré qui faisait totalement sens. Six semaines après le lancement, ces gens-là ont changé d’avis.
TourMaG.com - « Ces gens-là », le groupe chinois HNA donc, peut-on savoir combien ils ont versé à Aigle Azur ?
Frantz Yvelin : Ils n’ont jamais rien investi dans l’entreprise. J’avais demandé 7 millions d’euros en urgence en novembre 2017. Je n’en ai eu que 3, qu’ils n’ont eu de cesse de me demander de rembourser après.
TourMaG.com - Quid des lancements de nouvelles lignes tous azimuts sur le moyen-courrier ?
Frantz Yvelin : Sur le moyen-courrier, quand je suis arrivé, tout partait à vau-l’eau. Il fallait tout réorganiser. Avec 3 avions de moins, nous avons fait beaucoup plus de vols.
Nous utilisions mieux nos avions, de nuit, sur la Russie, l’Ukraine, le Liban. Nous avons sauvé cette compagnie !
Frantz Yvelin : Cette question est arrivée très simplement car il fallait absolument absorber les coûts fixes, l’Algérie ne suffisait plus à faire survivre Aigle Azur.
Deux solutions dans ce cas : soit faire un plan social qui nous aurait tué, soit faire de la croissance. En Europe, ce n’était pas possible car nos coûts n’avaient rien à voir avec la compétition, à savoir les low cost. Il fallait donc trouver autre chose : des niches ! Aucun risque n’a été pris.
TourMaG.com - Justement, parlons de votre lancement sur le long-courrier. Beaucoup remettent en cause ce choix stratégique qui aurait précipité votre perte...
Frantz Yvelin : C’est faux. Sans le long-courrier, nous n’aurions pas eu de cash. Le long-courrier a sauvé la compagnie, sinon nous serions morts en 2018.
Pourquoi le Brésil, pourquoi la Chine donc ? Il s’agit de deux énormes marchés avec des partenaires en or. Sur le Brésil, Azul payait 80% de nos sièges en avance, nous avions accès en code-share à tout le pays.
Cela a été un succès commercial et un générateur de cash du premier au dernier jour. Heureusement que nous l’avons fait.
Sur la Chine, notre actionnaire chinois nous a poussé à ouvrir Pékin, alors que notre plan était de choisir Hong-Kong, un marché beaucoup plus équilibré qui faisait totalement sens. Six semaines après le lancement, ces gens-là ont changé d’avis.
TourMaG.com - « Ces gens-là », le groupe chinois HNA donc, peut-on savoir combien ils ont versé à Aigle Azur ?
Frantz Yvelin : Ils n’ont jamais rien investi dans l’entreprise. J’avais demandé 7 millions d’euros en urgence en novembre 2017. Je n’en ai eu que 3, qu’ils n’ont eu de cesse de me demander de rembourser après.
TourMaG.com - Quid des lancements de nouvelles lignes tous azimuts sur le moyen-courrier ?
Frantz Yvelin : Sur le moyen-courrier, quand je suis arrivé, tout partait à vau-l’eau. Il fallait tout réorganiser. Avec 3 avions de moins, nous avons fait beaucoup plus de vols.
Nous utilisions mieux nos avions, de nuit, sur la Russie, l’Ukraine, le Liban. Nous avons sauvé cette compagnie !
"Je n'ai plus rien à prouver"
TourMaG.com - Six mois ont passé depuis la mort de la compagnie. Quels regrets et quelles rancœurs gardez-vous encore ?
Frantz Yvelin : D’abord, en novembre 2018, quand les Chinois n’ont plus voulu de notre ligne sur Pékin. J’aurais dû démissionner à ce moment-là.
Je garde ensuite de la tristesse d’avoir fait confiance à certains élus du personnel, de les avoir soutenus, d’avoir été trop gentil avec eux. Nous étions dans la transparence la plus absolue et le vote du 5 août a été un coup de poignard.
Il me reste de la rancœur sur les derniers mois, quand nous continuions de vendre des billets avec une solution sur la table. Aurais-je pu mieux faire ? Une rancœur qui me fait toujours dire « m*rde, j’aurai pu sauver cette boite ! ».
Enfin, il reste de la colère, pleine et entière, à l’encontre de certains élus et de M. Houa.
TourMaG.com - On vous a connu avec l’Avion, la Compagnie, puis chez Aigle Azur … Les futurs projets de Frantz Yvelin seront-ils toujours aériens ?
Frantz Yvelin :Je pense être le seul en France à avoir créé deux compagnies aériennes en partant de zéro.
La fin d’Aigle Azur a été très difficile à titre personnel. Il ne faut jamais dire jamais mais je n’ai pas l’intention de reprendre la direction d’une compagnie aérienne ou d’en recréer une. Si jamais je le fais, ce ne sera pas en France. Il y a trop peu de boites avec de bons fondamentaux.
A court terme, je compte continuer à piloter et poursuivre mes activités de conseils. Je veux rester proche de l’aviation, mais plus en tant que dirigeant, car je n’ai plus rien à y prouver.
Frantz Yvelin : D’abord, en novembre 2018, quand les Chinois n’ont plus voulu de notre ligne sur Pékin. J’aurais dû démissionner à ce moment-là.
Je garde ensuite de la tristesse d’avoir fait confiance à certains élus du personnel, de les avoir soutenus, d’avoir été trop gentil avec eux. Nous étions dans la transparence la plus absolue et le vote du 5 août a été un coup de poignard.
Il me reste de la rancœur sur les derniers mois, quand nous continuions de vendre des billets avec une solution sur la table. Aurais-je pu mieux faire ? Une rancœur qui me fait toujours dire « m*rde, j’aurai pu sauver cette boite ! ».
Enfin, il reste de la colère, pleine et entière, à l’encontre de certains élus et de M. Houa.
TourMaG.com - On vous a connu avec l’Avion, la Compagnie, puis chez Aigle Azur … Les futurs projets de Frantz Yvelin seront-ils toujours aériens ?
Frantz Yvelin :Je pense être le seul en France à avoir créé deux compagnies aériennes en partant de zéro.
La fin d’Aigle Azur a été très difficile à titre personnel. Il ne faut jamais dire jamais mais je n’ai pas l’intention de reprendre la direction d’une compagnie aérienne ou d’en recréer une. Si jamais je le fais, ce ne sera pas en France. Il y a trop peu de boites avec de bons fondamentaux.
A court terme, je compte continuer à piloter et poursuivre mes activités de conseils. Je veux rester proche de l’aviation, mais plus en tant que dirigeant, car je n’ai plus rien à y prouver.